L’industrie 4.0, des outils à disposition de l’innovation responsable

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L’industrie 4.0, des outils à disposition de l’innovation responsable

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Quelle est la place de l’innovation dans notre société actuelle, dans un contexte où l’économie de marché ne doit plus être la seule à piloter nos décisions. Cet article aborde le sujet de l’innovation responsable et présente des outils apportés par l’industrie 4.0 qui ouvrent des perspectives pour la conception et l’industrialisation de nouveaux produits et services.

L’innovation de rupture et le changement de paradigme

L’innovation c’est une nouveauté, un changement qui induit la réussite commerciale et l’acceptation par son marché de la nouveauté. C’est à partir de la courbe de valeur que l’on peut comparer plusieurs offres sur un marché donné en tenant compte des critères le caractérisant. Si celui-ci est établi, les offres ont des courbes de valeur qui convergent. L’innovation de rupture permet d’apporter des nouveaux éléments de comparaison et donc de modifier la courbe de valeur générale.

Cependant l’innovation de rupture peut amener à changer de paradigme et les impacts sont rarement anticipés. Pour Robert Gordon et sa théorie « The death of innovation the end of growth », le 20ième siècle est une anomalie dans le temps où la croissance a été dopée par les inventeurs et des innovations dans tous les domaines du quotidien. Pour l’économiste, la folie de ces 150 dernières années n’est plus qu’un souvenir et cela à cause de 4 facteurs aggravants freinant l’inertie de cette folle période. Ces facteurs sont la démographie, l’éducation, les inégalités sociales et la dette de plus en plus importante des pays développés. Notre siècle est celui de la prise de conscience. Pour la WWF, l’humanité a besoin de la capacité régénératrice d’une Terre et demie pour disposer des biens et services écologiques dont elle profite chaque année.

Anticiper les impacts

L’innovation responsable est liée à la notion d’innovation de rupture, de disruption. Il est difficile de définir le périmètre d’analyse quand on conçoit un nouveau produit / service et on fait souvent l’erreur de se référer seulement au cadre existant. Nous ne pouvons plus ignorer les impacts sociétaux et environnementaux et c’est de ça dont il est question quand on lie l’innovation et la responsabilité.Les états se retrouvent de plus en plus démunies face aux inventions et subissent le rythme imposé par les entreprises qui chassent de nouveaux marchés. La politique des pays ne définit plus le cadre et les innovations créent des brèches et changent nos quotidiens. Notre société se transforme face aux nouvelles habitudes de consommation quand le pouvoir politique s’écrit sur des paradigmes dépassés. Prédire les changements apportés par une innovation est complexe et c’est tout l’enjeux de la réflexion autour de l’innovation responsable.

Design thinking, prototypage rapide et simulation

Comment prédire les impacts sur l’avenir de ce que nous créons. Xavier Pavie qui s’intéresse depuis longtemps au sujet de l’innovation responsable exprime même la nécessité de mener une réflexion philosophique face à l’innovation de rupture. La question du transhumanisme ou de la conquête spatiale menée par des sociétés privées en est un exemple. Il est difficile de donner une méthode d’analyse de la responsabilité d’une innovation.

Il n’existe pas de solution miracle à disposition des industriels pour analyser la responsabilité de ce qu’ils développent. Nous en venons maintenant à l’industrie 4.0 et aux outils qu’elle apporte. Le design thinking ou lean start-up sont des philosophies de conception qui intègrent une réflexion élargie sur l’utilisation d’un produit avant son industrialisation. Ces méthodes sont principalement mises en place dans les bureaux d’études avec des technologies de simulation et de prototypage rapide. Créer, concevoir, prototyper, tester et implémenter. L’agilité dans la conception est aujourd’hui primordiale et elle permet de se confronter rapidement à l’utilisation d’un nouveau produit ou service, d’analyser les impacts à venir une fois le produit lancé à grande échelle.

Le cas Safechem

Safechem est une filiale allemande de la multinationale américaine Dow Chemicals, spécialisée dans la vente de solvants chlorés. C’est un produit utilisé dans l’industrie pour laver la graisse des pièces mécaniques, il est efficace mais très toxique.

Dans les années 80 le modèle commercial de Safechem est la vente de ce solvant auprès de ses clients. Face au combat mené par les écologistes et la prise de conscience de la nocivité du produit, les clients vont limiter leur consommation et se tourner vers des solutions alternatives. Les solvants chlorés restent la référence en terme d’efficacité mais les coûts engendrés par la fin de vie du produit grimpent. Confronté à la réalité, la société va réagir et se ré-inventer.

La nouvelle stratégie qui va être déployée est un modèle d’économie de fonctionnalité. Le constat est le suivant : « les clients n’achètent pas ce solvant pour son poids, mais pour le service rendu ». L’entreprise se rend compte que l’utilisateur ne veut pas du produit mais veut son efficacité. Pour répondre à ce besoin, Safechem va passer de la vente d’un produit à un service. Le client reçoit deux containers interconnectés, où les pièces à nettoyer sont placées dans le premier et le solvant dans le deuxième. Le fonctionnement consiste à transférer le solvant dans le premier container afin de nettoyer les pièces puis de repasser le solvant dans son emplacement d’origine. Le modèle est cyclique, ce qui permet au client de ne plus interagir avec le produit nocif mais de profiter de son efficacité. Ce résultat est le fruit d’une meilleure compréhension du marché, de l’utilisateur cible et de la courbe de valeur associée.

De plus Safechem, en récupérant les deux containers peut utiliser le solvant quasi infiniment pour des clients différents. Au lieu d’incinérer le volume entier vendu, 92% est récupéré. En une année, 2 tonnes sont utilisées au lieu de 25.

Data IA

L’industrie 4.0 c’est l’utilisation de la donnée et l’intégration de l’intelligence artificielle dans les bureaux d’études et usines. La machine peut apprendre et prédire et c’est sur ce point que l’industrie 4.0 permet d’intégrer des outils d’évaluation dans les processus de conception.

Notre modèle social repose fortement sur l’industrie qui est un pilier de la mixité sociale et assure l’emploi des différentes strates sociales au sein d’un territoire. L’industrie a toujours été un moteur de notre société, un vecteur primordial pour l’éducation et l’intégration. Les grands projets rassemblent et unissent et l’usine est un lieu qui doit s’adapter aux nouvelles technologies mais conserver ce qui fait son essence. Le robot a permis de remplacer l’ouvrier sur des tâches répétitives, le cobot doit permettre de l’assister et de le replacer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée au coeur du savoir-faire des usines.

L’outil de production a aussi une voix et la donnée qu’il génère permet de mieux l’exploiter et d’en améliorer le rendement. L’usine du futur c’est celle qui produit moins de déchet, ce même déchet qui peut devenir une matière première. L’usine n’est plus une entité solitaire, elle communique et tisse du lien. Nous devons apprendre à réfléchir à l’échelle de nos parcs industriels et territoires et appliquer nos méthodes de lean management à une plus grande échelle.

Eco-parc de Kalunborg

Kalundborg est une région industrielle danoise, où sont implantées les plus importantes raffineries et centrales thermiques du pays. L’éco-parc mis en place au début des années 70 est un modèle de coopération entre différents acteurs économiques cohabitant sur un territoire.

Le principe de l’éco parc est simple, les déchets générés par une usine sont la ressource d’une usine voisine. Cette symbiose industrielle se modélise sous la forme d’un réseau de ressources internes à l’éco parc où chacune des entreprises présentes sur le site peut en nourrir au moins une autre. Ce projet a été mis en place en relation avec les collectivités afin de réduire l’impact environnemental du parc composé d’industries polluantes.

Le premier projet fut initié par la raffinerie Statoil. Confronté à la difficulté de s’approvisionner en eau, la raffinerie doit convaincre la ville de construire un pipeline la reliant au lac. Statoil est contraint de négocier un accord avec la mairie qui va permettre la construction à condition de partager avec la centrale thermique voisine.

Dans cet cohabitation la raffinerie chauffe l’eau via son processus de fonctionnement et la retraite en sortie. Puis un réseau de vapeur d’eau issues de la centrale thermique est créé et distribué aux autres industriels de la zone. Un processus d’inter connectivité est lancé. Un des projets à grande échelle fut d’utiliser les restes de levures issus de la production d’insuline de Novo Nordisk comme fertilisant pour les exploitations agricoles alentours.

Un autre partenariat relie l’usine Gyproc à la centrale thermique, dont le fonctionnement est dépendant du dioxyde de soufre qui se retrouve produit par la centrale. Ce sont désormais une vingtaine de projets qui permettent une réduction globale de l’impact environnemental du site de Kalundborg. Chaque année le site économise 3 millions de mètres cubes d’eau et 20 000 tonnes d’huile. Pour Jorgen Christensen, directeur pendant 14 ans de Novo Nordisk « Ce qui a porté cette démarche, c’est de faire des échanges intéressants au niveau économique. Et au même moment, nous nous sommes aperçus que nous pouvions protéger l’environnement en économisant des ressources. Vous entendez régulièrement les gens dirent que l’environnement coûte de l’argent, mais pas ici. Tous les projets ont été réalisés dans une approche gagnant-gagnant dans le sens où ils n’ont pas dépensé d’argent mais au contraire en ont gagné ou économisé. »

 

Rédigé par Marc JOUSSE (ENSAM), consultant chez Baldwin Partners

Sources :

  • Le Roux, M & Darnil, S. (2006). 80 pour changer le monde
  • Brown, T. (2009). Design Thinking
  • Christensen, CM. (1997). The Innovator’s Dilemma
  • Gordon, R. (2013). Conférence TED : The death of innovation the end of growth
  • Hawken, P. (1994). The ecology of commerce
  • Holt, K. (1988). Product innovation management
  • Trott, P. (1998). Innovation management & new product development
  • Auckenthaler, B. (1997). Réinventer l’innovation
  • Pavie, X. (2012). De quoi l’innovation responsable est-elle le nom ?
  • Pavie X. (2012). L’innovation responsable et son intégration dans les processus d’innovation
  • Anderson, C. (2006). The long tail: Why the future of business is selling less of more
  • Anderson, C. (2009). Free: The futur of a radical price
  • Anderson,C. (2012). Makers: The new industrial revolution

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